Nouvelle ligne de tram-train


Notre association a une double légitimité à s'exprimer au moment de la mise en service de la 2ème ligne de tram :

1/ elle bénéficie d'un agrément préfectoral au titre de l'urbanisme pour la ville de Saint-Etienne

2/ elle est la seule à avoir déposer des observations développées lors de l'enquête publique.
Et précisément, lors de cette enquête, nous avons mis en exergue un certain nombre d'erreurs ou d'oublis dans le dossier d'étude, comme les aléas du budget prévisionnel, une absence de prise en compte de l'indemnisation des commerçants, la transformation de la place du Peuple en plate-forme d'aiguillage, l'absence de propositions alternatives…

Aujourd'hui, après 2 ans de travaux, il nous semble utile d'aller au-delà de la simple photographie des lieux : « j'aime » ou « j'aime pas » et de mettre en perspective l'enjeu qu'a représenté une intervention sur l'hyper centre de Saint-Etienne.

 

LA MOUCHE ET LE PILON

 

IL FAUT BOUGER
Qui pourrait raisonnablement contredire cette lapalissade ?
La question n'est bien sûr pas de savoir s'il faut bouger ou non, mais de quelle manière il faut bouger ?

La municipalité stéphanoise a engagé, entre autres actions, la réalisation d'une 2 ème ligne de tram. Est-elle opportune en termes de déplacement, financier, d'aménagement urbain ?
En fonctionnement habituel, c'est-à-dire, justement, hors grands travaux, Saint-Etienne ne connaissait pas, comme bien d'autres grandes villes, de problèmes d'embouteillage.
Néanmoins, l'amélioration de la qualité et de la performance des transports en commun est un élément toujours positif.
En l'occurrence, y avait-il un besoin avéré d'amélioration de la liaison de bus existante Peuple/Châteaucreux ?
En tout cas, aucune démonstration sérieuse n'a été établie dans ce sens.
A supposer même que cela fut le cas, n'existait-il pas d'autres solutions pour améliorer cette liaison de pleine centralité ?
Pour ce bref parcours de 1,5 km , une navette gratuite de mini-bus électrique aurait été, à beaucoup d'égard, plus adaptée.

Sur le financement
Le plan financier comportait des trous, et il n'était pas besoin d'être grand clerc pour les repérer. ARCO a précisément signalé, lors de l'enquête publique, que 23 millions d'Euros étaient incertains et, quelques mois plus tard, la presse « révélait » cette impasse.
Bien qu'averti, le commissaire-enquêteur fermait les yeux et concluait : «  Le plan financier semble cohérent  »
Le montant annoncé de l'opération était de 75 millions d'Euros, toutefois, si l'on devait ajouter tous les travaux annexes que cette réalisation a entraînés, on serait sans doute plus près des 100 millions.

Dans un cas comme dans l'autre, on se retrouve avec un coût au kilomètre de tramway d'environ 3 fois plus élevé que la moyenne.
L'option des mini-bus électriques peut être estimée avec les travaux de configuration à un montant de 2 millions d'Euros soit 40 fois moins que celle de la 2 ème ligne du tramway.

Sur les transports en commun
La phrase, semble-t-il clé, prononcée en boucle par les responsables de Saint-Etienne Métropole est :
«  Nous avons complété l'étoile stéphanoise  » Belle image, mais complètement abstraite. Saint-Etienne, ellipse très allongée dont l'axe est irrigué par le tram, bénéficie d'une ligne de chemin de fer, récemment électrifiée, en contact direct avec cette ligne de tram, à Bellevue, à Carnot et proche du centre au Clapier. Cette présence d'un train périurbain/urbain, atout stéphanois considérable, a été complètement ignoré. En effet, l'idée de ces mêmes responsables, est de faire passer les trams-trains venant de Firminy pour aller à Châteaucreux et au-delà, par la place du Peuple !
Dans cette perspective, il fallait que tout le tracé soit mis au gabarit ferroviaire, voilà l'explication de l'allongement des distances entre arrêts, du dédoublement de la ligne de tram entre Badouillère et Peuple et de la prégnance de l'espace ferré dans l'hyper-centre.
Ligne inutile donc et de plus, si une nouvelle ligne de tramway apparaît à l'évidence nécessaire à Saint-Etienne, c'est celle qui permettrait de relier les zones à forte population avec l'intermodalité routière et ferrée d'une part et les secteurs d'enseignement, d'activités et de loisirs d'autre part. Son parcours serait :
Rond-Point/ La Métare Fauriel /Mimard Châteaucreux Plaine Achille Technopole – Montreynaud.

Sur l'aménagement urbain
C'est surtout là que le bât blesse, on ne fait pas passer sans dommage une ligne de tram-train dans le fragile hypercentre historique d'une ville.
L'animation de marché de la place Albert Thomas est menacée. Il était prévu que la place du Peuple soit transformée en plate-forme d'aiguillage. Nous l'avions soulignée à l'enquête publique. Là aussi, le commissaire-enquêteur, qui décidément avait posé sur son nez des lunettes roses, a apporté ce commentaire :
«  La place du Peuple ne peut que retrouver sa sérénité et son attrait  »

Plus réaliste, un adjoint au maire, à l'occasion de l'enlèvement discret du chronocycle, a déclaré :
«  Lorsque les travaux seront achevés, la place du Peuple ne sera qu'un entrelacs de rails  » On ne peut mieux dire.
Il est toutefois possible d'ajouter que, parmi les « évolutions » de la place, nous avons eu droit à un échange :
l'enlèvement discret du chronocycle remplacé par un édicule technique à l'esthétique craquante…
La place Fourneyron, elle, a changé de symbolique : de place des Monuments aux Morts, elle est devenue la place des poteaux.
Et justement, c'est bien ce que cette opération a le plus modifié dans notre paysage centre-ville.
Que ce soit le cours Victor Hugo ou l'avenue de la Libération , ils tiraient leur qualité ou leur prestige de rangées de tilleuls bicentenaires. Ces arbres apportaient leur majesté, l'été leur ombre bienvenue, ils étaient sur un plan sanitaire parfait, cependant le projet les a sacrifiés. Certes, de nouveaux arbres sont prévus, à qui il faudra plusieurs dizaines d'années pour revendiquer cette appellation.
En attendant, comme pour la place Fourneyron, nous pouvons nous consoler avec des poteaux.
Et là, les variétés d'arbres n'ont rien à envier aux variétés des poteaux de la 2 ème ligne de tram de Saint-Etienne : il y a les coniques, les troncs coniques, les rectangulaires, les carrés, les IPN en I…, en U… Cela dans un gris très chic que vient défriser, on ne sait pourquoi, des feux de signalisation marron et doré.
Autre « élément de décoration » : la multiplication de grands placards métalliques gris clair, bien en vue en bord de trottoir, style armoire Louis XIII à pointe de diamant et cabochon plastique aux armoiries de la ville.
Au niveau du ciel, les fils de la ligne s'entremêlent et viennent s'attacher, comme au hasard, qui sur lesdits poteaux, qui sur les façades d'immeuble.
Au niveau du sol, la zone ferrée est en béton désactivé et pour le reste, beaucoup, beaucoup, beaucoup d'asphalte et un podium central pour les bagnoles.
En résumé, on a sacrifié le cours Victor Hugo au nom du principe du tram-train ; dommage, ceux qui l'ont décidé considèrent déjà que son application ici est sans doute inadaptée. Quant à l'avenue de la Libération , les Champs Elysées stéphanois, elle a désormais la subtilité d'une piste d'atterrissage.
L'ensemble de cet « aménagement » pouvant être caractérisé, comme les autres réalisations actuelles, par deux qualificatifs : sécheresse et froideur. Exactement l'opposé de la mentalité stéphanoise !

 

Sur les potentialités perdues
La plus grave conséquence, nous semble-t-il, de cet « aménagement » est d'avoir raté l'occasion de doter le centre-ville d'une véritable attractivité.
C'est une évidence que l'avenue de la Libération est un espace-clé pour le fonctionnement du centre avec un atout, celui de rassembler le plus bel ensemble d'architectures de la fin du XIXe et l'inconvénient de créer une rupture entre les zones piétonnières nord (Alsace Lorraine, St Jean, Pierre Bérard) et sud (Martyrs de Vingré, place Grenette…)
Quel bel enjeu, quelle réflexion globale il y avait lieu, ici, de mener !

Si l'étude soumise à l'enquête publique avait proposé des solutions alternatives au projet, ce qui est normalement obligatoire, nul doute que des hypothèses plus séduisantes qu'un tram-train auraient été émises.
Pourquoi donc parlons-nous de celle d'une navette de minibus électriques ?
parce qu'il semble logique d'adapter le type de mode de transport en commun à l'espace dans lequel il se déplace,
parce que cela aurait évité de perturber définitivement les échanges automobiles entre le sud et le nord de la ville,
parce que cela ouvrait à une hypothèse d'aménagement pour un autre visage de Saint-Etienne.

Quel visage ?
L'option minibus aurait permis 3 avancées :
1) mettre effectivement à jour le lit du Furan entre Peuple et rue du Grand Moulin,
2) unifier, pour les piétons, tout l'espace public allant de Dorian à Chavanelle, en créant un passage souterrain pour les véhicules au niveau des squares Massenet/Violette.
3) réaliser un parking enterré de quelques centaines de places sous l'avenue de la Libération avec une entrée et sortie de voitures en liaison avec le boulevard urbain au niveau du lycée Fauriel et des sorties piétons échelonnées de la place Jean Moulin à la rue du Grand Moulin. 

Ainsi notre proposition alternative aurait fait apparaître un vaste domaine piétonnier, démultipliant la grande réussite du secteur Martyrs de Vingré, mais aussi la vie d'une rivière qui s'écoule et un équipement indispensable à la survie du commerce de proximité lequel, du reste, lui avait été promis. 

En effet, à l'occasion d'élections municipales, le candidat Michel THIOLLIERE avait adressé une lettre en date du
7/06/ 1995 aux responsables d'associations commerciales, il s'y engageait à «  débuter des travaux pour un parking Fourneyron d'environ 400 places dès 1995-1996 . » Les commerçants et les Stéphanois ont vu ce qu'il est advenu de cette promesse. La lettre se terminait par une formule particulièrement suave : «  Je suis homme à tenir mes engagements et je le prouverai  »



Sur les préjudices
Pendant les travaux, le maintien d'une animation commerciale en centre-ville devait rester une priorité.
En effet, la situation du commerce de proximité est particulièrement alarmante, le seul bâtiment commercial de Centre II dépasse le chiffre d'affaires du centre-ville, tandis que la zone de Villars réalise une performance deux fois et demi supérieure.
Or, le projet d'aménagement d'une 2 ème ligne de tram tel qu'il était présenté à l'enquête publique ne prévoyait aucun budget pour l'indemnisation des commerçants.
Une commission, par la force des choses, a dû se mettre en place après coup, son mode de fonctionnement a permis de limiter les indemnisations au minimum, à savoir quelques 400 000 € soit 0,15 % de deux années de chiffre d'affaires des commerces de l'hyper centre. Est-ce équitable ?
Espérons que la collectivité qui n'a pas voulu assumer sa responsabilité des préjudices portés à ce type de commerce ne l'aura pas affaibli définitivement.
Par ailleurs, nous ne pouvons pas passer sous silence, et pourtant c'est ce qui a été fait, la gêne portée à la vie de tous les jours.
Si l'on pouvait observer la technicité des entreprises de travaux publics et de son personnel, en revanche, on avait l'impression que l'organisation de ce projet avait totalement oublié que, au milieu de ce chantier, les Stéphanois devaient continuer à vivre. Ainsi, entre culs-de-sac piétonniers, chemins improvisés en trous et en bosses, un nombre incalculable de piétons ont chuté, leur occasionnant des blessures plus ou moins graves.
Voilà pour les 2 ans de bruit et de fureur, reste des inconvénients qui seront définitifs : une ambiance urbaine de type gare de triage, l'allongement de la distance entre les stations de tram, la création de rupture de charges sur certains itinéraires, un plan de circulation incohérent et, pour le futur, la venue dans l'hyper centre de passages trams-trains incessants.

Finalement ,
pour une seule idée abstraite, celle de l'étoile, on nous met en place un Saint-Etienne déshumanisé et incommode.
Un tel résultat ne peut être que le fruit d'une absence de concertation vraie… vae soli. 

Néanmoins, nous restons dans l'utopique espoir que la profonde mutation à venir de Saint-Etienne, à savoir les ZPPAUP centre-ville et le grand projet dit « Saint-Etienne 2015 », puisse se concevoir, se définir et se développer en appelant enfin les Stéphanois à donner leur avis.

 

 

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